Readers' Submissions in French March 3rd, 2007

Où suis-je et que fais-je ici ?

Aujourd’hui on m’a demandé pourquoi j’ai choisi de vivre en Thaïlande et plus particulièrement à Bangkok. Je suis sûr de ne pas être le seul à qui on fait un clin d’œil ou un signe de
tête entendu dans son pays d’origine quand il dit vivre à Bangkok ; après tout, avec l’intérêt qui est porté par les médias à Bangkok dans le monde occidental, Bangkok est synonyme de sexe
comme Las Vegas l’est de casino. La somme totale de leurs connaissances sur la Thaïlande et sur Bangkok se résume peut être à une émission spéciale de soixante minutes sur les bars à filles ou des publicités
suggestives au dos de la presse masculine. Et bien sûr quand vous retournez dans votre pays tout le monde « sait » que vous avez épousé une fille rencontrée dans un bar qui veut votre argent, une carte de résident
permanent et qui se fiche complètement de vous. À l’occasion de fêtes ou de rassemblements divers, j’ai même vu des gens, des hommes qui pensent connaître la Thaïlande et qui y sont même allés
quelquefois, demander à ma femme alors que j’avais le dos tourné si elle voulait se faire un peu d’argent en douce. Je lui reconnais le mérite de ne pas s’être laissé troubler et d’avoir souvent
demandé à ces hommes, plutôt à haute voix, pourquoi ils n’iraient pas plutôt se trouver une femme du coin avec qui coucher et à qui offrir de l’argent ; le malfaiteur baisse alors la tête et s’éclipse
de la fête plutôt embarrassé. Bien que ma femme n’ai jamais été une fille de bar, j’admets avoir eu des pensées similaires au sujet des origines des dames (pensées que je garde pour moi) quand nous
allons à des rassemblements Thaï aux USA et où il y a une différence d’âge de vingt à quarante ans entre le mari et la femme. Ayant vécu en Asie la plus grande partie de ma vie d’adulte et maintenant
un nombre conséquent en Thaïlande, je me garderais bien de supposer que toutes les Thaïlandaises sont d’anciennes filles de bar mais je ne peux m’empêcher de penser qu’elles le sont probablement quand la
différence d’âge est si importante. Je suppose que cela pourrait me faire passer pour un bigot, mais je crois que je suis réaliste. Comment pouvons-nous espérer que l’image de la Thaïlande change quand la
plupart de ce qu’ils lisent où entendent est vrai ? Il y a tellement plus en Thaïlande. Cependant, il semble que la Thaïlande soit plus intéressée par l’afflux continu des dollars du tourisme que par l’amélioration
de son image.

Et ensuite vous avez la question « pourquoi avez-vous épousé une femme asiatique ? », provenant d’hommes qui croient en l’un des plus grands mythes de tout les temps, celui que les femmes asiatiques sont
des épouses soumises qui ne veulent rien d’autre dans leur vie que satisfaire leur mari, s’occuper de la maison, des enfants, et leur couper les ongles pendant qu’ils boivent une bière. Il y en a qui regarde vraiment
trop la télévision. Même mon propre frère fut un temps convaincu qu’il avait besoin d’une « bonne et traditionnelle » femme asiatique et quand j’ai essayé de l’en dissuader il m’a
demandé pourquoi j’en avais épousé deux alors ? Réponse facile, quand je me suis marié avec une Coréenne je vivais en Corée et il n’y avait quasiment que des Coréennes avec qui sortir. Et devinez
quoi. Eh oui, quand je me suis marié avec une Thaïlandaise je vivais en Thaïlande et les Thaïlandaises constituaient la majorité des femmes avec qui je sortais. J’en rajoute en disant que je suis sorti exactement
avec le même type de fille que dans mon pays, même âge, même look, mêmes intérêts, tout pareil. Venir en Thaïlande et y épouser une femme en se basant sur un mythe n’est rien d’autre que
vivre un rêve et nous savons tous que les rêves finissent un jour ou l’autre…

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L’autre jour mon fils et moi nous avions décidé de juste faire un tour à pied. Au lieu de prendre la voiture ou le taxi pour aller au centre commercial, aux palaces ou autres attractions, nous ferions plutôt une
longue marche en dehors des murs et des postes de garde qui entourent notre complexe résidentiel. Comme nous descendions le « soi » qui mène au complexe, nous rencontrâmes vite des boutiques Thaïes, des épiciers,
des chiens galeux, et la puanteur des égouts saturés et des eaux stagnantes. Nous vivons à portée de pas de Justco, de Mac Donalds, d’un hôpital, d’un concessionnaire Toyota et de nombreux autres gros détaillants.
Mais comme nous déambulions dans le « thanon (1)» et que nous nous éloignions encore plus du complexe et des magasins qui y ont été construits pour subvenir aux besoins de ses résidents, le vrai voisinage pris
forme.

Que voyons-nous ? Surtout de vieux bâtiments délabrés en béton qui n’ont pas été repeints depuis qu’ils ont été construits et des restaurants crasseux que les services d’hygiène
et de santé publique de nos pays fermeraient, mais sans se contenter d’en fermer les portes, par ce qu’ils les entoureraient aussi d’une grande tente et les désinfecteraient par fumigation, ou les condamneraient
carrément. Des rideaux de fer qui glissent dans les rails des devantures des magasins ou dans les rares entrées obscures qui s’insèrent entre les bâtiments, c’est l’heure de la fermeture, des Thaïlandais
qui se dirigent activement vers je ne sais quelle chose qui les intéressent, d’autres chiens galeux. Des trottoirs pleins de trous et autres obstacles ; même si vous êtes depuis peu en Thaïlande vous avez appris à
regarder parterre où vous marchez aussi bien que devant vous là où vous allez. Tout est dans un état de délabrement avancé.

Me sentant d’humeur aventureuse, j’emmène mon fils hors du « thanon » principal, dans un petit « soi » qui est à moitié recouvert d’asphalte ce qui est un environnement Thaï typique.
Moins d’une centaine de mètres dans le « soi » de petits abris en tôle jouxtent des maisons modernes qui elles même avoisinent des maisons construites il y a trente ou quarante ans. S’il y a un terrain vague
il est rapidement occupé d’abris en tôle, de camions ou simplement d’ordures. Des vêtements sèchent à l’extérieur sur des étendoirs, l’odeur de la cuisine Thaïe est omniprésente
et par les portes ou les fenêtres sans rideaux vous pouvez voir des familles assises parterre en train de regarder la télévision, de manger et de boire. Encore des chiens galeux et des ordures, et je me demande pourquoi, avec la
main d’œuvre si peu chère qui est disponible en Thaïlande, personne ne peut se permettre de nettoyer les terrains vagues qui jouxtent les maisons, là où s’empilent depuis des années des monceaux d’ordures
et d’objets abandonnés puis oubliés. Les insectes et les rongeurs que l’on trouve sur ces terrains les utilisent surement et seulement comme base pour lancer leurs attaques contre les maisons voisines. À mille et quelques
mètres dans les « soi » mon fils pense que nous devrions retourner sur la route principale. Pas tout de suite… Il y a encore quelque chose que je veux lui montrer.

Il y a un certain terrain vague que les enfants du coin de son âge ont jalonné pour jouer au foot et d’autres jeux qui n’utilisent rien d’autre que des balles bon marché, des bâtons, des pierres et
le genre de choses avec lesquelles je me souviens avoir jouer quand j’étais gamin. Mon fils avec sa Playstation, son ordinateur portable et son armoire pleine de beaux vêtements n’a jamais connu l’environnement dans
lequel j’ai grandi mais maintenant il le voit de ses propres yeux. Aux USA nous appelons ça un ghetto, les HLM ou «ce quartier où vous ne voulez pas arriver par erreur », mais à Bangkok c’est plutôt
la norme. Comme nous nous arrêtons et que nous regardons les enfants jouer une vieille dame se pointe ce qui me donne une chance de pratiquer mon Thaï, et elle finit par nous inviter à se joindre à eux pour le dîner. Mon
fils a un air terrifié par la peur que je puisse accepter mais je trouve une excuse et nous nous redirigeons vers le « thanon ». Nous n’avons pas progressé beaucoup quand le mari la rejoint et il nous tire pour ainsi
dire à l’intérieur où nous sommes accueillis chaudement. Le dîner est presque prêt ; par la porte des enfants entrent en courant, et ils se mettent à nous accueillir avec les marques de respect appropriées.
Les enfants sont fascinés par les traits à demi asiatique de mon fils et ils voulurent savoir de quel pays il venait. Mon fils est à moitié Coréen et comme il a seulement treize ans je ne l’ai pas encore exposé
au racisme et au traitement sauvage qu’il recevrait en Corée, mais c’est prévu pour bientôt, en revanche, ici en Thaïlande, il a commencé à se connecter d’une certaine façon à sa moitié
asiatique et à en apprécier les avantages. Ceinture noire de Taekwondo à onze ans et un deuxième diplôme en préparation à treize ans, au moins il ne renie pas ses origines. Nous ne sommes pas restés longtemps,
assez pour ne pas être impolis mais et assez pour qu’il voit que de vrais gens habitent ces endroits et qu’ils sont charmants. Ils n’étaient pas comme ces gens qui d’habitude l’accostaient à MBK
ou dans les autres centres commerciaux pour essayer de lui soutirer ses baths. Aussi pauvres qu’ils soient, ils l’ont accueilli dans leur maison, lui ont offert à manger et à boire, et ils ont discuté ensemble. Voilà
une Thaïlande que les gens dont j’ai parlé en introduction n’arrivent jamais à voir.

En rentrant à la maison en voiture, quelque soit l’endroit d’où nous venons, nous passons souvent par ce grand croisement où de jeunes enfants courent entre les voitures arrêtées et essayent de vendre
tout types de marchandises ; j’ai remarqué qu’il regardait toujours une certaine jeune fille de son âge qui était mignonne comme tout et qui essayait toujours de nous vendre des fleurs séchées enfilées
sur une ficelle. Il avait observé à quel point c’était dangereux pour les enfants et comme ils travaillaient tard, et il m’avait demandé : « quand font ils leurs devoirs ou quand jouent ils avec les autres
enfants ? ». Et je pouvais sentir que ça le tracassait. Bon sang ça me tracasse aussi. Mais il ne manquait jamais de chercher des yeux cette petite fille qui l’avait captivé. Il y a quelques semaines il était en
train de lire le Bangkok Post et je remarquai soudain qu’il paraissait retourné. Il m’amena le journal et me montra un article qui parlait d’une fille de son âge qui venir de mourir écrasée par les roues
d’un camion à ce croisement. L’article continuait en expliquant que le journaliste avait interviewé les gens du quartier et appris que cette fille devait travailler de midi à huit heures du soir, chaque jour de la
semaine, et qu’elle devait faire un quota où ses parents la battaient. Ils disaient que cette fille était brillante et qu’elle les suppliait pour avoir du temps libre pour faire ses devoirs ou pour manger mais que ses parents
la faisaient travailler. Nous savions tout deux que ce devait être la même fille par ce que l’article décrivait même les fleurs qu’elle vendait. Il s’en alla dans sa chambre, ferma la porte et n’en
ressortit que le lendemain matin. Je pense que ça a été sa première grande leçon dans la vie, quelque chose de pire que le divorce de ses parents ou le genre de problèmes normaux qu’il a eu à affronter
dans sa vie. Pendant le petit déjeuner la seule chose qu’il dit fut que le camion roulait seulement à deux kilomètres et demi à l’heure dans ce croisement au trafic dense, que le chauffeur était appelé
à comparaître pour « conduite imprudente » alors que les parents étaient toujours libres d’envoyer leurs autres enfants à ce même croisement. Nous convinrent tout deux que les choses devraient être
meilleures que ce qu’elles sont. Alors je me suis fait un devoir d’éviter ce croisement quand il était dans la voiture avec moi, il avait peut être encore un peu d’espoir que ce ne soit pas cette fille. J’ai
retraversé ce croisement tout seul en voiture cependant, et la fille n’est plus là. Une autre partie de la Thaïlande que ceux du premier paragraphe ne voient pas.

Une semaine plus tard nous étions au Cambodge et le nombre et l’agressivité des enfants mendiant ou essayant de vendre des choses est un cran au dessus de la Thaïlande, mais il prit ça calmement et nous nous sommes
bien amusés. Le dernier jour il y avait cependant une chose de plus que je voulais qu’il voit. Nous avons visité le musée de la mine terrestre et les expositions étaient ennuyeuses. Plus tard nous sommes sortis dehors,
j’ai photographié à distance des employés de l’ONU qui déminaient un terrain et après nous avons visité un hôpital pour enfants. Pourquoi l’exposer à ces choses ? Il marche bien à
l’école, il travaille à la maison, fait les corvées et globalement il a la vie plutôt belle même pour un occidental. Cependant le monde est grand et je préférerais qu’il ne soit pas aussi ignorant
des choses de ce monde que ceux dont j’ai parlé au début de ce texte.

L’année prochaine nous visiterons les « killing fields » au Cambodge et les asiles pour sidéens dans les temples en Thaïlande. Et peut être que l’année suivante je l’emmènerais
finalement en Corée où il devra affronter les premières marques de racisme sévère de sa vie ; il sera capable d’y faire face par ce qu’il ne sera pas aussi ignorant du monde que ceux qui sont racistes ou
comme ces personnes dont j’ai parlé en introduction. De plus, comme il regarde les travaux que j’effectue ici, qu’il voit mes photos, qu’il lit mes histoires, il n’aura jamais à me demander où
nous sommes et pourquoi je suis ici. Il saura que j’essaie d’éradiquer l’ignorance d’une façon similaire à l’éducation que je lui donne dans nos voyages et en nous exposant à différentes
cultures.

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Pourquoi je vis ici ? Par ce que je peux faire ici ce que je ne peux pas faire dans mon propre pays, avoir une vie confortable. Où suis-je ? Exactement où je veux être. Après avoir passé la plus grande partie de ma
vie d’adulte en Asie je ne peux pas vraiment dire que je suis ici « chez moi », mais je me suis aperçu qu’il en était de même dans mon pays d’origine.

En attendant, à la prochaine fois…

Titre original: Where am I and what am I doing here. Traduit de l’anglais pas MAGD

(1) Les rues principales des villes de Thaïlande portent des noms. Ce sont des "thanon". Les rues adjacentes aux "thanon" s'appellent des "soi" et sont désignées par des numéros.

Ce qu’en pense Stickman
:

La lecture a été agréable, comme d’habitude

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